Miroirs, jamais encore sciemment l'on a dit ce qu'en votre essence vous êtes...
Rainer Maria Rilke, in Les sonnets à Orphée, 1922
Souvent, Jean Denant puise dans ce qui l'a construit pour élaborer ses pièces. Ici, en l'occurence, d'un côté la Méditerranée, de l'autre, l'étang de Thau
survolés par ce ciel immense traversé par ces grands « V » bruyants d'oiseaux migrateurs.
Natif de Sète, Jean est un artiste au regard aigu, dont le travail pointe autant les écueils de notre modernité que les travers ou les beautés cachées de notre époque contemporaine houleuse. Sa Traversée, une carte de la Méditerranée en inox poli miroir installée à Sète sur un mur de béton reflète à la fois la mer et les passants qui la traversent sur la ligne d'horizon.
Pour L'autre mer, l'artiste a pris de la hauteur pour réaliser des images de l'étang de Thau vu du ciel, en miroir serein rythmé par les tables à huîtres.
A partir d'une image choisie, épurée jusqu'à l'abstraction, l'artiste à utilisé cet inox poli installé sur la façade Est du Château du Port à Marseillan.
Les tables à huîtres inscrites dans une perspective naturelle composent une écriture découpée dans le métal, comme des portées de musique ou une langue à déchiffrer.
L'ensemble est une immense image mouvante, une photographie vivante qui respire au rythme du ciel, des nuages et des variations infinies des levers de soleil sur l'horizon entre mer et étang. Sur cette vaste surface de reflets, les lignes des tables à huîtres, étrangement, pourraient former certains hexagrammes du Yi King et, plus particulièrement semble revenir celui de l'eau : kǎn. Double trigramme qui évoque le cœur et l'âme, la lumière contenue dans l'obscurité et la raison.
C'est sans doute une coïncidence, mais elle promet des voyages ou bien, en est la mémoire...
Marseillan, peuplée sans doute par les pêcheurs élysiques, peut-être aussi étrusques, terre de vigne et de courage cathare est au bord des routes maritimes, fluviales et terrestres depuis des milliers d'années. Quant au Château du Port, c'est une belle et puissante bâtisse construite en 1870 par une bourgeoisie conquérante qui a fait le siècle prospère et industrieux.
C'est un imposant parallélépipède au toit d'ardoises enchâssé dans de vastes chais qui domine le port. Fixée sur la façade Est, la grande image miroir de Jean Denant pourra parfois éclairer les habitants matinaux du jeune Mont Saint Clair par ses éclats de sémaphore.
Ph. Saulle
2017
Marseillan, FR
Sculpture monumentale
Fondation Liedts-Meesen