Galerie Anne de Villepoix

«DRAFT»

Comme un écho entre les murs

«De la grande à la petite histoire, Jean Denant choisit ses sujets avec précision. Il fabrique des images, les construit patiemment jusqu’à parvenir à la représentation de paysages urbains, d’êtres humains et d’objets.

Il utilise des matériaux du bâtiment, dont il détourne l’usage. Il peint et creuse le placoplâtre, imprime sur le plâtre. Ces matières, habituellement appréciées pour leur facilité de mise en œuvre sont peu adaptées pour traverser les siècles. Là est tout le paradoxe de l’œuvre de l’artiste.

Comment porter ce regard si singulier sur le monde en déjouant un des fondamentaux de l’art qu’est la pérennité? Comment s’inscrire dans cette trajectoire universelle en anticipant la poussière?

Le travail de Jean Denant révèle ici toute la difficulté d’être ambitieux en évitant l’écueil de la vanité. Il est semblable aux hommes et au monde, périssable, il anticipe sa chute et devient le miroir fidèle de notre fin annoncée.

De matériaux fragiles et réfractaires, Jean parvient à tirer la substantifique moelle, il les magnifie. Une palette précise, des gris, papiers ou bétons, des blancs, feuille ou plâtre, des noirs francs, d’autres délavés, du bleu peinture ou polystyrène, les teintes chaudes des bois, et toujours posé au final, l’orange fluorescent, venant sonner la fin du chantier, l’achèvement du work in progress par la projection déplacée de l’espace mental de l’artiste. Une couleur sanction qui produit un glissement mémoriel, trace rémanente du projet et de l’atelier. Tautologie absolue que celle d’une touche fidèle et précieuse, abîmée d’un dernier signe qui brouille l’harmonie de son travail présent, empreinte visuelle de sa réflexion sur ses démarches futures.

Si j’aborde le travail de Jean Denant par les matières, les gestes, les supports et les couleurs, c’est qu’il fait partie des artistes pour lesquels la dimension plastique est aussi importante que le sujet. L’image est extirpée de ces matériaux classiques de construction qui portent en eux la dimension symbolique que Jean s’attache à exposer. Il confronte des univers variés où la présence humaine est toujours en lutte pour son émancipation.

Sur ce tableau réalisé sur une planche de bois de construction encore marquée du nom de son fabricant, il a, en quelques gestes, éraflé et gravé l’image d’un homme s’acharnant sur un mur une masse à la main.

Berlin, son mur absolu, celui d’une frontière totalitaire absurde, symbole de l’enfermement étatique de tout un peuple. Cette image et l’événement dont elle résulte, sonnent, pour la génération de l’artiste le glas de la post modernité. Après la chute du mur, le tourbillon libéral a accéléré l’érosion inéluctable de nos convictions et la planète est partie en vrille. Nous vivons aujourd’hui les répliques perpétuelles des atermoiements cyniques de Yalta.»

Manuel Pomar, directeur du centre d’art Lieu-Commun, Toulouse.

DATE

2013

LIEU

Galerie Anne de Villepoix, Paris, Fr

TYPE

Exposition monographique

COMMANDITAIRE

Galerie Anne de Villepoix, Paris, Fr

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